L’histoire d’une innovation frugale au sein d’une PME

Histoire- history / Portrait de Vincent Lemaire, Président du Groupe SAFRA et de SAFRA à Albi

Interview de Vincent Lemaire, président de SAFRA

Nous avons rencontré Vincent Lemaire, président du Groupe SAFRA, pour nous parler de l’activité SAFRA Constructeur et son autobus électrique : le Businova. Il revient sur la genèse de ce projet audacieux qu’il a lancé en 2011 et nous parle également des perspectives à venir.

Histoire- history / Vincent Lemaire Président
  1. Votre projet suscite beaucoup de curiosité dans le marché de transport public, voire de l’admiration. Parlez-nous un peu de la genèse d’un tel projet au sein d’un PME.

VL – Spécialiste de longue date du prolongement de durée de vie des matériels de transport public, nous avons perçu très tôt les enjeux de la transition énergétique pour les autorités organisatrices. Le Diesel gate est arrivé bien plus tard en fait. L’idée de verdir la motorisation d’un autobus est une voie qui reste un projet actif chez SAFRA et nous avons décidé de commencer en construisant le Businova en le concevant autour d’une chaine de traction électrique. Bien conscient de notre taille d’entreprise comparée à celle des constructeurs existants ou des nouveaux entrants, nous avons cherché quasi systématiquement la différenciation technique, libre de toute contrainte industrielle.

  1. On sent beaucoup de fierté et de passion dans vos propos, mais aussi au sein de l’équipe SAFRA Constructeur. Vous fonctionnez un peu comme une start-up ? Etes-vous un adepte de la méthode Coué face aux problématiques rencontrées ?

VL – L’équipe est maintenant complètement dédiée à notre projet de croissance. Une équipe jeune, complémentaire dans ses savoirs, très mixte est particulièrement motivée par les enjeux économiques, environnementaux, sociétaux. Il est rare pour des ingénieurs d’être face à des projets aussi vastes, aussi multi technologique, et aussi variés. Tous les savoirs faire sont là, de la mécanique au logiciel, en passant par l’électricité basse et haute tension. Et les services supports se construisent en parallèle. Alors bien plus que la méthode Coué, c’est la passion, le sérieux, la force de travail qui compensent le droit à l’erreur tant nécessaire dans un projet d’innovation aussi vaste que Businova. En grandissant, nous bataillerons pour conserver cet esprit de conquête et cette agilité qui nous caractérise déjà.             

  1. Quelles sont les clés de la réussite pour arriver à mener un tel projet aussi ambitieux qui est de fabriquer des autobus ?

VL – Tout part d’une volonté de fer des actionnaires et de l’équipe pour passer outre les détracteurs. Comme dans tout groupe face à un changement, ils peuvent  même être présents en interne. Les clefs complémentaires sont si nombreuses : la curiosité, l’écoute des clients, le sens du service, l’humilité, l’envie de réindustrialiser notre pays, et de mettre son grain dans l’enjeux écologique pour une ville meilleure, moins polluée et moins émettrice de Gaz à effet de serre.             

  1. L’hydrogène est-elle la version qui a le plus d’avenir pour vous ? Est-ce la fin de votre version très innovante du Businova électrique hybride rechargeable ?

VL – Là encore revenons à l’origine du projet devant la question de la solution énergétique de demain. Nous avons tout entendu, chaque expert annonçant la prédominance future de sa technologie. Qui aura raison ? Difficile question qui nous a incités à concevoir une solution multi energétique nous permettant de développer rapidement une gamme de produits mais aussi de faire évoluer le véhicule dans sa longue vie de 20 ans. Mais pour sûr, dès le départ, la technologie Hydrogène a été identifiée. Elle a ses qualités : zéro émission,  autonomie maximale, temps de recharge équivalent à un plein diesel mais aussi ses défauts par un CAPEX et OPEX encore fort. Je confirme que c’est une solution très pertinente et qui aura un très bel avenir. Mais à ce stade, c’est  surtout l’analyse de l’usage, des volontés politiques qui nous orientent vers une solution ou une autre. Et l’électrique hybride rechargeable ne nécessitant aucune infrastructure, qui par ailleurs est bien classée au niveau environnemental, est loin d’avoir dit son dernier mot.           

  1. Le véhicule a fait aujourd’hui ses preuves, il est commercialisé et le carnet de commande est flatteur. Si on regarde l’avenir, les 5 prochaines années par exemple, comment voyez-vous SAFRA ?

VL – Le retour d’exploitation est très précieux pour améliorer le produit, et nous nous engageons avec force à faire les mises à niveau dès que besoin. En parallèle, il nous faut accélérer le rythme de production, continuer à industrialiser. Bien sûr, il nous faut aussi persévérer pour vendre plus.  Dans 5 ans, nous fabriquerons environ 200 véhicules par an en France et en Europe et nous aurons encore créé 300 emplois de plus. L’international fait également partie des gênes du projet, seul ou en alliance suivant les marchés.

  1. Vous avez lancé il y a quelques mois une levée de fonds pour accélérer le développement de votre produit. Quels sont actuellement vos besoins et les résultats que vous attendez de cette levée de fonds ?

VL – Dans un projet d’innovation, le financement est un autre sujet clef. Pour le moment, nous avons fait seul et avec le soutien de l’Etat (Programme des Investissements d’Avenir, Crédit Impôt Recherche), du Conseil régional d’Occitanie, nos banques, nos premiers clients. Nous avons su faire de l’innovation frugale avec des coûts de développement bien moindre par rapport à nos concurrents et avec un endettement raisonnable. Toujours avec l’agilité qui nous caractérise nous pouvons continuer comme ça, forcément à rythme mesuré pour ne pas trop souffrir d’un envol du Besoin en Fond de Roulement. Mais pour accélérer plus fort, une ouverture du capital reste souhaitée et les discussions sont donc toujours d’actualité. Le marché est là, le réglementaire arrive avec force à l’échelle national et européenne et nous avons un produit et une équipe fantastique.

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