L’hydrogène est-il dangereux ?
Carole Kamlade et Nicolas Daudou de la SEM EVEER’HY’PÔLE répondent à la question
A cause de divers accidents (celui du dirigeable Hindenburg en 1937 étant sans doute le plus connu), l’hydrogène souffre d’une mauvaise réputation. Oui, il peut exploser ou s’enflammer en cas de fuite du réservoir à hydrogène. Mais sur les véhicules à hydrogène, il est stocké dans des réservoirs sous pression et très bien protégé. Que ce soit au niveau de la fabrication du véhicule, le stockage de l’hydrogène ou encore l’utilisation même du véhicule, tout a été pensé pour éviter les accidents : réglementations drastiques, formations multi-niveaux, sécurisation des matériaux et composants, etc. Toutes ces normes rendent aujourd’hui l’utilisation de l’hydrogène accessible, avec un niveau de risque faible et maîtrisé.
L’hydrogène est utilisé depuis de nombreuses années dans l’industrie chimique comme composant, notamment dans la fabrication d’ammoniac, le raffinage d’hydrocarbures et le traitement des matériaux. Les problèmes de sécurité hydrogène dans ce contexte industriel sont donc bien connus et maitrisés.
Outre ces applications traditionnelles, de nouveaux usages de l’hydrogène se développent en utilisant ce gaz comme vecteur énergétique. Il peut, en effet, être converti en électricité ou en chaleur pour tout un ensemble d’applications, stationnaires ou de mobilité (cogénération, alimentations de secours, groupes électrogènes, etc.). Le développement de la mobilité hydrogène en France a donc fait également apparaître de nouvelles générations de stations-service à hydrogène pouvant, selon les cas, produire l’hydrogène localement grâce, par exemple, à un électrolyseur ou distribuer de l’hydrogène acheté auprès d’un fournisseur (production sur un autre site, avec transport et mise à disposition dans plusieurs stations-service).
Les architectures de ces nouvelles applications embarquées et stationnaires doivent également répondre à des exigences sécuritaires et règlementaires qui leur sont propres. Les spécificités de l’hydrogène du point de vue des risques demeurent communes aux applications traditionnelles. Il est alors possible d’envisager le développement de ce vecteur énergétique avec un niveau de risque suffisamment faible pour être socialement acceptable.
L’hydrogène est un gaz incolore et inodore, il n’est donc pas spontanément détectable par nos sens. Ni toxique ni explosif, dilué dans l’air, il devient inflammable et potentiellement explosif dans certaines conditions. Il faut donc prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’il ne se répande hors des enceintes où il est stocké ou des canalisations dans lesquelles il circule. Sa flamme est incolore, ce qui présente un inconvénient (invisible donc non détectable visuellement) et un avantage (la chaleur ne rayonne pas et a donc moins de risque d’enflammer d’autres objets ou surface à proximité).
Plusieurs caractéristiques spécifiques de l’hydrogène sont de nature à augmenter le risque :
D’une très faible densité et possédant un fort coefficient de diffusion, il a également naturellement tendance à s’élever et à se mélanger à l’air ambiant. A titre de comparaison, il est huit fois plus léger et possède un coefficient de diffusion quatre fois plus grand que le méthane qui compose à 95% le gaz naturel. Ainsi, en espace libre, il s’échappe et se dilue très rapidement sans former de poche d’accumulation. En espace confiné, une accumulation reste possible, comme pour les autres gaz. Dans le cas de l’hydrogène, elle se formera en règle générale en point haut.
La manipulation de l’hydrogène présente donc un certain nombre de dangers sérieux. Néanmoins, une bonne connaissance de ces dangers et de leur parade doit permettre de mettre en œuvre une conception sûre des systèmes utilisant l’hydrogène.
Trois grands principes permettent de maîtriser le risque de création d’une atmosphère explosive en hydrogène au sein d’un système hydrogène :
Les concepteurs privilégient généralement une ventilation par convection naturelle à condition de bien s’assurer qu’elle soit suffisante et opérationnelle quelles que soient les conditions extérieures (vent et température notamment).
Des détecteurs d’hydrogène (et de flamme multi-spectre pour les applications stationnaires uniquement) sont donc judicieusement placés près des points de fuite potentiels et partout où il y a un risque d’accumulation d’hydrogène. On veille par conception à assurer une redondance tant au niveau des détecteurs que des calculateurs et logiciels dédiés aux traitements des données pour conserver un niveau de sécurité suffisant en cas de panne de l’un d’entre eux. Des dispositifs de coupure automatique de l’alimentation en hydrogène en cas de détection de fuite. En général, on fixe un premier seuil d’alarme haut à 10% de la Limite Inférieure d’Explosivité (LIE) et un deuxième seuil critique à 20 % de la LIE. De même, les concepteurs doublent les vannes de coupure automatiques par des vannes manuelles situées dans des zones non exposées.
Concernant plus précisément la sécurité et l’homologation des véhicules à hydrogène, celle-ci repose également sur l’homologation CE des nombreux composants constitutifs du système hydrogène intégré sur le véhicule. En Europe, tous ces composants doivent subir des essais règlementaires (épreuves sur les matériaux, résistance à la corrosion, endurance, cycles de pression, étanchéité interne, étanchéité vers l’extérieur, etc.) dans des laboratoires notifiés par l’autorité compétente de réception afin de pouvoir être installés dans des véhicules. La sécurité des véhicules à hydrogène est donc garantie par leur homologation, avant la mise en circulation, comme pour tous les autres types de véhicules destinés à circuler sur la voie publique. L’autorité publique garantit ainsi que le niveau de sécurité est celui attendu par la règlementation. En sus des règles d’homologation classiques pour les véhicules thermiques et des règles liées à l’électrification du système de propulsion, les véhicules à PAC sont soumis à des règlements européens spécifiques. On retrouve par exemple le règlement CE n° 79/2009 concernant la réception par type des véhicules à moteur fonctionnant à l’hydrogène et le règlement (UE) 406/2010 portant application du règlement (CE) n° 79/2009 du Parlement européen et du Conseil concernant la réception par type des véhicules à moteur fonctionnant à l’hydrogène. Cette démarche d’homologation est de la responsabilité du constructeur du véhicule. Les constructeurs de véhicules à hydrogène réalisent une analyse globale de sûreté de fonctionnement du système hydrogène et de son interaction avec le véhicule et son environnement. Des points clés de l’analyse de sureté de fonctionnement sont exigés dans la démarche d’homologation d’un véhicule, basée notamment sur les réglementations spécifiques.
L’introduction du risque hydrogène dans des ateliers imposent aux constructeurs de véhicules (ou aux exploitants de véhicules réalisant des opérations de maintenance sur des systèmes hydrogène) de respecter la réglementation concernant les atmosphères explosives, communément appelée « Réglementation ATEX », faisant la retranscription de deux directives européennes, concernant :
Cette règlementation et ses normes applicables permettent de classer des zones ATEX, et impose de dispenser une formation aux membres du personnel évoluant en zone ATEX.
Ainsi, il est vivement recommandé de faire suivre à son personnel une formation sur les risques hydrogène auprès d’experts de la filière. La formation est essentielle à tout projet de mobilité hydrogène, comme le nécessite l’introduction de toute nouvelle technologie auprès d’utilisateurs non connaisseurs. Des modules de formation, abordant les problématiques de sécurité doivent intervenir en amont du projet de déploiement, sur toute la chaine de valeur de l’hydrogène énergie (production, stockage, applications), ses spécificités (caractéristiques physiques et chimiques), les risques liés à son utilisation, les mesures de sécurité à mettre en œuvre (normes et réglementation). L’objectif étant de comprendre le circuit de l’hydrogène à l’intérieur d’une station-service ou dans un véhicule, les sécurités mises en place, et leur rôle dans la sécurité de l’application est également nécessaire à la bonne compréhension des enjeux. Il est important d’associer les personnes qui seront au contact direct de l’application (utilisateurs de véhicules, chauffeurs, personnels de maintenance des véhicules et des stations, etc.)
Avec le déploiement des premières stations-service hydrogène en France, les services d’incendie et de secours sont formés en France depuis mars 2014 sur les risques liés à l’hydrogène et sur les interventions d’urgence sur véhicules à énergie alternative. L’Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP), basée à Aix-en-Provence, a développé des outils pédagogiques dédiés à l’enseignement du risque hydrogène à l’usage des primo-intervenants. Il s’agit, d’une part, de formations théoriques sur les caractéristiques de l’hydrogène, les normes existantes, le parc de véhicules fonctionnant à l’hydrogène et, d’autre part, de formations pratiques avec des exercices sur simulateur en réalité virtuelle et des démonstrateurs réels. Pour tout nouveau projet en lien avec la mobilité hydrogène, il est vivement recommandé d’associer les services de secours (SDIS et centres de secours) qui pourront émettre des recommandations pour une installation donnée. Une fiche d’intervention peut être élaborée en collaboration avec les SDIS, notamment pour définir et normaliser les périmètres de sécurité à mettre en œuvre en cas d’accident (fuite, incendie…). Par ailleurs, les moyens d’action (isolation, purge…) et de coupure d’urgence (gaz, électricité) doivent être identifiés.
En cas d’accident, le conducteur du véhicule devra se comporter de la même façon que pour tout autre type de véhicule : commencer par couper le contact et se mettre hors de danger pour appeler les secours. D’éventuelles recommandations additionnelles ou spécifiques sont décrites dans le manuel d’utilisateur fourni par le constructeur à destination des primo-intervenants.
Le processus d’intervention de chaque véhicule est décrit par l’intermédiaire de fiches FAD (Fiche d’Aide à la Désincarcération) et ERG (Emergency Response Guide). Ces dernières ont pour but d’aider les services de secours à déterminer les éléments précis et généraux, sources de danger d’un véhicule, et à se protéger et protéger le public au cours de la phase d’intervention initiale consécutive à un accident.
Le personnel de secours est formé et adapte son processus d’intervention suivant le type de véhicule sur lequel il doit intervenir.
L’hydrogène peut être stocké sous ses trois états : gazeux, liquide ou solide.
Pour l’hydrogène mobilité, le stockage gazeux de l’hydrogène est le plus fréquent et le plus simple puisque, d’une part, l’hydrogène est gazeux à température et pression ambiantes et, d’autre part, la production par électrolyse ou par vaporeformage génère de l’hydrogène sous forme gazeuse. La masse volumique de l’hydrogène étant faible, ce gaz occupe alors un volume très important aux conditions atmosphériques standard. La méthode la plus simple permettant de diminuer le volume d’un gaz, à température constante, est d’augmenter sa pression.
Sous forme de gaz comprimé, il nécessite un volume important de stockage, car sa densité énergétique volumique est plus faible que celle des autres carburants :
Ainsi, à 350 bar, l’hydrogène possède une masse volumique de 24 kg/m3 contre 42 kg/m3 à 700 bar et 0.090 kg/m3 à pression et température normales.
Aujourd’hui la majeure partie des constructeurs automobiles a retenu la solution du stockage sous forme gazeuse à haute pression. Cette technologie permet de stocker la quantité d’hydrogène nécessaire à un véhicule alimenté par une pile à combustible pour parcourir des distances équivalentes aux véhicules thermiques traditionnels. On le comprime donc pour le manipuler plus facilement et surtout le transporter. Pour les applications automobiles, le stockage doit être minimisé en termes d’encombrement, d’où des technologies de réservoirs plus élaborées permettant d’atteindre 350 bar ou 700 bar. Ces pressions tendent à devenir les standards des réservoirs des premières générations de véhicules à pile à combustible commercialisés. Le stockage à 700 bar semble être le meilleur compromis entre densité énergétique, flexibilité, sécurité d’emploi et coût. Pour d’autres applications embarquées (bus, véhicules utilitaires à prolongateurs d’autonomie…), la solution à 350 bar est privilégiée ; elle est suffisante pour les cycles d’usages et beaucoup plus abordable, tant au niveau du coût des réservoirs des véhicules que de celui de la station-service.
En France, un arrêté ministériel de prescription générale a été signé le 22 octobre 2018 pour l’exploitation des stations de distribution d’hydrogène en France en toute sécurité. L’arrêté est entré en vigueur le 1er janvier 2019, en même temps que l’entrée de vigueur de la nouvelle rubrique 1416 « Stations-service : installations, ouvertes ou non au public, où l’hydrogène gazeux est transféré dans les réservoirs de véhicules, la quantité journalière d’hydrogène distribuée étant supérieure ou égale à 2 kg/jour » introduite par le décret modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement.
Une station-service hydrogène peut être alimentée soit à partir de cadre de bouteilles (stockage à 200 bar) ou bien à partir d’une unité de production délivrant de l’hydrogène entre 10 et 20 bar. L’hydrogène est ensuite comprimé à une pression supérieure à la pression d’alimentation du véhicule (350 ou 700 bar) puis stocké dans des bouteilles appelées « Buffer ». Avant sa distribution, l’hydrogène est refroidi à l’aide d’un échangeur et d’un groupe froid (pour les véhicules 700 bar uniquement). La borne de recharge (appelée aussi « dispenser ») est l’interface physique entre le véhicule et la station. La personne effectuant le ravitaillement suit le protocole établi destiné à assurer le remplissage du véhicule en toute sécurité : branchement éventuel du véhicule à la terre, connexion et verrouillage de la vanne de distribution sur l’embout du réservoir puis lancement de la séquence automatique. Pendant le remplissage, le système pile à combustible est arrêté et l’hydrogène n’est pas admis dans le circuit basse pression. L’hydrogène est admis dans le réservoir du véhicule par une conduite spécifique équipée d’un clapet antiretour. Par conséquent, l’hydrogène ne peut circuler que de la station vers le réservoir. L’arrêt du remplissage peut être automatiquement effectué lorsque celui-ci est plein grâce à un pressostat (capteur de pression) ou à une communication entre le véhicule et la station.
Lorsque le réservoir est plein, un signal indique à l’opérateur qu’il peut déverrouiller la vanne et enlever la prise de terre. C’est l’automate de la borne qui gère la vitesse de remplissage du réservoir du véhicule selon les protocoles définis dans les normes de remplissage. Ces protocoles de remplissage permettent de contrôler les phénomènes physiques liés au transfert rapide de gaz sous pression et, tout particulièrement, pour éviter une montée en température trop importante du réservoir. La norme SAE J2601 empêche grâce à un « détrompeur physique » le remplissage par une station à 700 bar d’un réservoir de pression inférieure, mais le contraire est possible (remplissage d’un véhicule 700 bar par une station délivrant une pression inférieure). Les réservoirs sont conçus pour supporter cette opération de remplissage sans dégradation du matériau et de ses performances, à de nombreuses reprises, c’est-à-dire tout au long de leur durée de vie (5000 cycles de remplissage).
A la fin du remplissage, l’hydrogène restant dans le flexible du pistolet de remplissage est évacué vers un évent de la station de remplissage.
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