Interview de Philippe Boucly – Président de l’AFHYPAC

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INTERVIEW de Philippe Boucly - Président de l’AFHYPAC

Philippe Boucly, Président de l’Association Française pour l’Hydrogène et les Piles à Combustible, répond à nos questions sur le développement de la filière hydrogène. Depuis 20 ans, l’AFHYPAC est engagée dans le débat environnemental aux côtés des pouvoirs publics, pour construire un modèle énergétique plus responsable en faveur des générations futures. L’association fédère plus de 140 membres et anime une filière d’excellence composée de grands groupes industriels, PME, PMI, start-ups, centres de recherche et laboratoires, pôles compétitivité, syndicats d’énergie, collectivités territoriales et associations. L’AFHYPAC a également créé en 2017 le Club des Élus, acteurs de l’hydrogène qui porte la voix des élus des territoires.

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SAFRA – Pourquoi la filière hydrogène française est-elle aussi active ces derniers mois ? 

PB –La filière hydrogène est très active actuellement car un signal fort a été donné il y a un an par le gouvernement : le lancement du Plan National Hydrogène avec des axes stratégiques de développement pour l’hydrogène en France et des objectifs chiffrés, objectifs qui ont d’ailleurs été intégrés dans la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE). Nous sommes dans la phase de mise en œuvre de ce Plan. Les acteurs industriels et les territoires sont mobilisés pour répondre aux appels à projets lancés par l’ADEME sur les écosystèmes de mobilité mais également sur l’industrie. L’AFHYPAC, pour sa part, mobilise les acteurs de la filière sur les Engagements pour la Croissance Verte. Il s’agit d’un outil souhaité par le Ministre de la transition écologique et solidaire pour mettre en œuvre ce Plan au travers d’engagements réciproques entre l’Etat et les industriels destinés à lever certains freins réglementaires, régulatoires ou législatifs. Ce dispositif est complété par les Contrats Stratégiques de Filières dont plusieurs intègrent l’hydrogène : Industrie des nouveaux systèmes énergétiques, Ferroviaire, Automobile et Industriels de la Mer. La filière hydrogène est donc mobilisée sur plusieurs dispositifs sans oublier les politiques publiques comme la Programmation Pluriannuelle de l’Energie et la Loi d’Orientation des Mobilités. Nous sommes à un point d’inflexion qu’il ne faut pas manquer : la structuration d’une filière française compétitive de l’hydrogène, c’est pour cela qu’elle est active et visible. 

SAFRA – En quoi est ce que l’hydrogène est une solution pertinente pour le transport ? 

PB –L’hydrogène est une solution zéro émission. Un véhicule à hydrogène est un véhicule électrique qui consomme de l’hydrogène et ne rejette que de l’eau. Il combine le meilleur des deux mondes : aucune pollution, une autonomie équivalente à celle d’un véhicule thermique et un temps de recharge très court. Si l’on souhaite améliorer la qualité de l’air et tenir les objectifs de l’Accord de Paris et du Plan Climat, il faut décarboner le secteur des transports au plus vite : l’hydrogène y contribue. Les contraintes réglementaires que mettent en place les métropoles vont accélérer la mutation du secteur du transport et de la mobilité : l’hydrogène trouve déjà sa place avec des déploiements d’envergure comme les 100 taxis de la flotte Hype à Paris. Ils seront 600 en 2020 pour transporter franciliens et touristes dans les rues de la capitale. Mais si l’hydrogène est pertinent pour les usages intensifs, il l’est également pour la mobilité lourde : bus, camions, bennes à ordures, trains, péniches et bateaux. Plusieurs collectivités ont fait le choix de l’hydrogène pour leurs lignes de bus et des mises en circulation interviendront avant l’été dans le Nord, en Artois-Gohelle, et à l’automne à Pau. 

SAFRA – A l’argument « l’hydrogène coûte trop cher », que répondez-vous ? 

PB –Comme toutes les technologies de pointe en phase de pré-déploiement, l’hydrogène est encore cher, c’est vrai, mais les économies d’échelle sont possibles et rapidement. Pour cela, il faut changer d’échelle, massifier pour industrialiser. On a vu ce développement pour toutes les technologies émergentes : panneaux solaires, écrans plats, batteries Lithium-ion, etc…A titre d’exemple, je citerais Toyota qui a produit en 2018 3000 exemplaires de sa Mirai. D’ici 5 ans, avec une production de 30 000 exemplaires par an, Toyota vendra le véhicule hydrogène au prix de l’hybride. En matière de calcul économique, il importe de sortir du strict calcul du coût de production. L’hydrogène est un vecteur énergétique polyvalent qui peut rendre de multiples services et procurer de nombreux avantages. Lors de comparaisons avec d’autres solutions, il faut s’efforcer d’intégrer tous les paramètres : les services annexes que l’hydrogène apporte aux systèmes électriques, les investissements de renforcement de réseau que l’hydrogène permet d’éviter, l’impact sur la santé publique grâce à l’amélioration de la qualité de l’air, l’amélioration de la balance commerciale par la réduction d’importation d’hydrocarbures et les possibilités d’exportation d’équipements, la réduction de la dépendance énergétique, le développement de l’emploi local, etc. 

SAFRA – Est-ce que l’hydrogène est aussi « propre » que ce que l’on veut bien nous faire croire ? 

PB –L’hydrogène est totalement « propre » à son point d’utilisation. Sa combustion ne rejette que de l’eau comme je l’ai indiqué précédemment. Mais l’hydrogène est un vecteur énergétique et il faut donc le produire. Utilisé depuis très longtemps dans l’industrie, il est actuellement produit par craquage de méthane ce qui induit un rejet de 10 kilos de gaz carbonique par kilo d’hydrogène produit mais le sens du Plan National Hydrogène est bien de développer massivement la production d’hydrogène décarboné. En le produisant par électrolyse de l’eau avec de l’électricité d’origine nucléaire ou issue des énergies renouvelables ou bien par thermolyse de la biomasse, le cercle vertueux se met en place. La France dispose d’un mix électrique très décarboné : c’est un atout majeur pour développer une production d’hydrogène propre.

SAFRA – Quelles sont les perspectives d’avenir pour l’hydrogène en France et en Europe dans les années à venir ? 

PB –Les pays asiatiques investissent massivement dans les technologies de l’hydrogène. Nous avons encore en France et en Europe les moyens de prendre le leadership mondial mais il faut changer d’échelle maintenant. Nous disposons en France de grands groupes (Air liquide, EDF, Engie, Total) qui ont les compétences, des moyens et de grandes ambitions, des PME et ETI qui ont développé des technologies de pointe et des centres de recherche d’excellence (CEA, CNRS). L’hydrogène offre de réelles perspectives économiques pour notre pays et pour l’Europe. En France, le développement de l’hydrogène représente un fort potentiel de création de valeurs et d’emplois sur nos territoires : en 2030, cela pourrait représenter un chiffre d’affaires de près de 9 milliards d’Euros et 40 000 emplois*. Le changement d’échelle est enclenché en France et en Europe avec des projets d’envergure de mobilité et de production massive d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables. Une vraie chance à saisir pour la réindustrialisation de notre pays et l’accélération de la transition écologique. 

*Etude « Développons l’hydrogène pour l’économie française » réalisée avec le concours du cabinet McKinsey pour l’AFHYPAC, le CEA, Air Liquide, Alstom, EDF, Engie, Hyundai, Faurecia, Michelin, Plastic Omnium, SNCF, Total et Toyota. 

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