Concevoir son écosystème hydrogène

Les clés pour bâtir un écosystème - Partie 2/4

2. CONCEVOIR SON ÉCOSYSTÈME HYDROGÈNE

Les écosystèmes hydrogène fleurissent de toutes parts en France avec l’arrivée des financements et appels à projets de l’ADEME. Ces « hubs » s’organisent autour de sites de production, distribution et consommation pour créer à la fois l’offre et la demande. Ils permettent ainsi aux agglomérations de produire leur propre hydrogène renouvelable, pour alimenter les différents systèmes de mobilité hydrogène qu’ils vont mettre en place. La boucle est aussi vertueuse, puisque les projets permettent non seulement de mettre en place des solutions de mobilités zéro émission en les alimentant avec leur propre énergie verte, mais aussi d’inciter de nouveaux projets hydrogène à voir le jour, créant ainsi des emplois sur les territoires.

Au-delà du fait qu’il est acteur clé dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’hydrogène possède un atout fort : c’est un vecteur d’énergie, il peut être donc produit localement et ne nécessite pas d’être importé, comme les hydrocarbures. Un sujet on ne peut plus d’actualité en 2022. Produire localement son hydrogène permet donc de valoriser, convertir, stocker et restituer les énergies renouvelables directement par le territoire, et à la demande.

L’intégration d’une production locale permet donc de concevoir un écosystème hydrogène au sein duquel la production, la distribution et l’usage de l’hydrogène vont s’articuler efficacement. En effet, pour que le coût de l’installation de la station de production soit rapidement amorti, il faut que les usages soient suffisamment nombreux pour utiliser l’hydrogène produit.

C’est souvent le point de départ de la constitution d’un écosystème hydrogène : la création d’un projet de mobilité hydrogène au sein d’une agglomération. En voulant décarboner sa flotte de mobilité lourde, telle que bus ou bennes à ordures ménagères (BOM), les agglomérations travaillent ainsi sur un projet global, intégrant la création d’une station de production, bien souvent alimentée par de l’électricité verte : l’électrolyseur est alimenté par de l’électricité produite par des panneaux photovoltaïques, ou par un Centre de Valorisation Energétique (CVE). On obtient ainsi de l’hydrogène renouvelable, ou bas-carbone.

La création de cette station lance ainsi « l’offre hydrogène » sur le territoire, qui pourra proposer à des acteurs publics et privés l’utilisation de l’hydrogène produit localement. Cela permet de multiplier les usages, tels que des véhicules légers, des utilitaires pour les livraisons, des flottes de vélos en centre-ville, etc. Les entreprises locales qui utilisent également de l’hydrogène carboné dans leur process industriel, pourront aussi avoir recours à cet hydrogène renouvelable produit sur place, et décarboner ainsi leur production.

Les agglomérations qui se lancent dans le développement de ces « hubs hydrogène » sont animées par des choix politiques ambitieux et volontaristes. Pour devenir un territoire autonome en énergie il faut en effet utiliser les leviers de financement existants (cf. page 21), mais également l’argent public, qu’il faudra utiliser de façon raisonnée et justifiée. L’enjeu est de taille certes, mais le résultat local est très encourageant puisqu’il permet de conjuguer transition énergétique et développement du territoire.

Interview

Crescent Marault - Président de l’agglomération & maire d’Auxerrre

Crescent Marault, 52 ans, est maire d’Auxerre et président de la Communauté de l’Auxerrois depuis 2020. Il a lancé un projet d’ecosystème hydrogène, inauguré en 2021, où circulent 5 Businova hydrogène fabriqués par Safra.

Le 13 octobre 2021, vous avez inauguré à Auxerre la plus grande station de production d’hydrogène renouvelable de France. Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette technologie pour en faire un projet aussi ambitieux dans votre agglomération ?

CM  – Le pari de l’hydrogène, tel que nous l’avons imaginé, est porteur de grands espoirs. Nous voulons ancrer cette technologie dans le territoire et amener les entreprises à se l’approprier afin que demain, l’Auxerrois soit prêt avant les autres. L’Agglomération pilote une stratégie de moyen et long terme pour devenir un territoire autonome en énergie. Le rôle d’une collectivité est de se préparer aux enjeux de demain et d’initier le changement au service de son attractivité, tant pour les citoyens que pour les entreprises.

Comment voyez-vous les différentes utilisations de l’hydrogène sur votre territoire ? Et quels usages souhaitez-vous développer ?

CM – L’objectif est d’établir des partenariats forts entre le territoire de l’Auxerrois, sous l’égide de l’agglomération, et les acteurs de l’industrie et de la mobilité afin de faire émerger de nouveaux projets d’hydrogène. C’est donc tout un écosystème qui peut être envisagé, avec pour objectifs de créer de l’activité économique et de l’emploi autour des applications de l’hydrogène, mais aussi développer de l’innovation sur des thématiques liées à l’hydrogène, en lien avec les atouts du territoire en termes de formation, de tissu industriel, de positionnement géographique. Enfin, il s’agit d’innover sur des thématiques spécifiques liées à la mobilité par des start-up, mais aussi d’offrir un champ de formation pluridisciplinaire pour améliorer l’attractivité d’Auxerre.

Votre station fait partie d’un grand projet territorial, un écosystème hydrogène qui va se développer dans les prochains mois. Pouvez-vous nous expliquer quelle est votre vision à ce sujet ? Que représente ce « hub hydrogène » pour l’agglomération Auxerroise ?

CM – L’ambition est de faire émerger de nouveaux projets industriels ayant recours à l’hydrogène et de favoriser le développement des usages de l’hydrogène. A cette fin, une quarantaine d’entreprises locales se sont d’ores-et-déjà engagées aux côtés de la Communauté d’agglomération de l’Auxerrois. D’ailleurs pour répondre au développement de ces nouveaux usages, l’objectif à horizon 2024 est d’étendre à la fois les capacités de production (de 1 à 3 MW) et d’accueil de la station, tout en renforçant leur caractère multimodal, afin d’accompagner l’émergence de tous les usages de l’hydrogène (bus, véhicules utilitaires, camions, ferroviaire, fluvial, industriel et stationnaire).

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